Culture.

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15 août 2021 Non Par Inf'au Zenith
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Aujourd’hui 15 août 2021, c’est officiellement la fête de l’igname ou de l’igname pilé. A Savalou, grosse attraction autour de cette fete. Mais derrière la célébration, il faut bien décoder le sens de cet acte culturel mais surtout cultuel de ce rendez-vous. Inf’au Zénith a voulu savoir en interrogean un spécialiste. Trois questions à Dr Raymond Assogba pour mieux comprendre.

Inf’au Zénith : Bonjour Dr. Aujourd’hui 15 août, les Mahis de Savalou célèbrent l’igname. Au-delà même des peuples savalois, beaucoup de cultures célèbrent l’igname. En réalité, pourquoi l’igname et pas autre tubercule (manioc par exemple ou patate) ?

Dr Raymond Assogba : Bonjour. Merci. Aujourd‘hui 15 août‚ c’est la date officielle de célébration de la fête de l’igname nouvelle dans tout le Bénin, et au-delà au Togo, au Ghana, en Côte d’Ivoire et au Nigeria en Afrique de l’Ouest. Vous savez qu’au Togo il y a le phénomènal <<Epe Ekpe>> qui est une fête des Gɛn.

Il y a une information qui participe à restituer l’équation existentielle de cette fête de l’igname nouvelle dite <<te xwe>> en langue fongbe et Mahi du Bénin‚ <<Ekpe Sɔsɔ>> au Togo et <<Eluɛ pa>> chez les Akan de Côte d’Ivoire. En Juin‚ toutes les feuilles sont devenues inutilisables de par la connaissance ésotérique du cycle de la vie végétale‚ pour signifier la fin d’une période.

Et donc‚ depuis le mois de juillet‚ un cycle nouveau a commencé qui est une norme sociale de la nouvelle année en Afrique de l’Ouest jusqu’en Afrique Centrale. C’est donc la nouvelle année‚ inaugurée par la récolte de l’igname. C’est l’igname et pas le manioc‚ car l’igname pousse verticalement dans les buttes et restitue la loi qui annule l’entropie.

Inf’au Zénith : Que représente cette célébration dans les cultures où elle est organisée ?

Dr Raymond Assogba : C’est l’inauguration d’un nouveau cycle de vie qui rappelle la renaissance non seulement de la globalité minérale‚ végétale et animale dont l’existence humaine d’une part‚ et la reproduction sociale de vie en communauté d’autre part; car‚ historiquement‚ il fut un temps de pandémie où les guerres et la famine ont menacé d’exterminer la race humaine.

Pendant cette période qui a eu des retombées en Europe où les Blancs ont mangé même la chair humaine‚ les chiens et chats presque toutes les sociétés ont été éprouvées dans leur perception de la vie et la valeur spirituelle de l’être humain. Un peu partout‚ pour survivre‚ les hommes ont dû aller contre les principes rationnels pour commettre des actes de nécrophagie.

L’igname fût le tubercule que les animaux ont fait découvrir à l’homme pour renaître‚ se redéfinir et codifier une nouvelle vie. Il faut dire que c’est l’igname à chair blanche qui est utilisée pendant les actes juridiques de sa célébration anthropologique ou sociale.

Retenez que c’est une période de revitalisation des symboles de gestion politique des secteurs de la vie en société : renouvellement du consensus social‚ rappel de la fonction reproductrice de la jeunesse‚ négociation communautaire pour une attention accordée à la formation des classes d’âge‚ etc.

C’est aussi le temps des échanges des voeux et la requalification des forces énergétiques des agents de production que sont les femmes‚ les hommes et les jeunes. Une reconnaissance de la complémentarité des strates sociales se fait à des niveaux intellectuel‚ cognitif et électromagnétique ou spirituel.

Inf’au Zénith : L’igname est-il en lien avec un élément quelconque de la cosmogonie des peuples chez qui elle est célébrée ? Quels rapports cultuel ?

Dr Raymond Assogba : L’igname est un symbole de l’être debout et qui reste pur et sincère. Rappelez-vous l’hymne national du Bénin : Aube nouvelle. L’igname est en lien avec l’institution mantique du Fa et tous les Vodùn ; principalement Sakpata ou l’axe géographique de la Terre: les minéraux‚ la végétation et les animaux dont l’espèce humaine.

L’igname matérialise la conception de la forme humaine puisqu’elle est comme lui dotée d’une tête‚ d’un tronc et des membres. Le merveilleux littéraire de sa maturation est qu’elle naît dans la terre qui est censée pourrir ce qu’on y enterre. On enterre un cadavre qui pourrit; alors qu’une semence d’igname reproduit plusieurs tubercules dans une butte qui rappelle une grossesse.

C’est donc un réceptacle de l’énergie féminine et sa consommation est l’occasion d’un fantasme sexuel et la santé de reproduction. Les vodùn Sakpata et le Fa entre dans le cycle de son insertion dans la consommation humaine. Chaque détenteur du Fa doit donc littéralement donner à manger l’igname à chair blanche à « son Fa ».

Il existe plusieurs groupes variétaux étudiés par les agronomes. C’est en cette période que se fait le tri de ce qui est réservé aux différents rites‚ à la consommation, à la commercialisation et à l’épargne.

Inf’au Zénith : Merci infiniment Dr. Bonne fête.

Dr Raymond Assogba : Merci cher journaliste. Bonne fête de l’igname.

Propos recueillis par Inf’au Zénith.